Hector avait sept ans lorsque quittant le Nid,
D'un bon pas,
il partit gonfler les rangs des écoliers.
Pour Hector Rosabois, ses moissons de coubats,
Ses solitudes hargneuses,
l'enfance est dangereuse,
Il est là,
il est là.
Comment j'exagère,
mais jugez plutôt.
Voici qu'on le met à terre,
et de petits diables hurlent,
Virevolte autour de lui,
riez marmots cruels,
Riez-vous du soumis,
l'occasion est trop belle,
Et c'est la grande fête des enfants sanguinaires,
Et des tueurs en herbe,
Premier mouvement d'Hector, il s'enfuit.
Dans ses nuits blanches, de ses yeux battus,
Il implore le Dieu val et impuissant,
Le Dieu dévaincu, il faut dire,
Sous la voûte du ciel.
Que de tourments,
que d'espoirs déçus,
Que d'injustices, que de couloirs avalés,
Que de sévices évités,
in extremis.
Hector meurt chaque soir, pour de bon,
La veilleuse est témoin, la veilleuse illumine,
Son désarroi mutin.
Il s'enroule dans des linceuls,
Jusqu'au petit matin,
il vomit les tartines,
Puis il faut s'en aller,
s'engouffrer dans l'auto,
Et rouler, rouler jeunesse, sur les routes qui
mènent au préau des écoles,
Où les pigeons picorent,
où des idiots caracolent,
Pour montrer
qu'ils sont forts.
Elle est loin l'innocence,
elles sont loin les candeurs de l'enfance,
Le sang épais qui coule dans ses veines,
Au rythme heurté des destins contrariés,
Son ventre en dents de scie,
la rage qui le tient,
Et le jour et la nuit,
pour Hector tout va et mal en pille.
Deuxième mouvement,
en secret,
Il écrit,
il écrit un petit traité de démonologie,
Il y inscrit le nom de tous ses ennemis,
Et compte par le menu les petites misères,
Que lui font endurer ses braves congénères.
Pourquoi,
pourquoi Hector, pourquoi ce sort cruel,
Découvrant les grands mots,
les idées grandioses,
Il finit par conclure en sombre apothéose,
Que son malheur à lui est exemplaire,
C'est l'espèce humaine toute entière,
Qui s'est fourvoyée,
qui s'est dénaturée,
Il faut d'urgence la régénérer,
Trace-t-il d'une main fébrile ?
Mais comment faire ?
Une chose est certaine,
Dans une révolution prochaine,
Le bois tordu sera redressé,
Et tous les lâches,
tous les sournois,
Les meutes et les colliers qui s'acharnent sur lui,
Seront matés en un instant,
Fini les points fermés,
fini les drapeaux en berne,
Et les valets de larmes,
fini le drame, De ces huit ans,
de ces neuf ans,
De ces dix ans,
de ces onze ans,
de ces douze ans.
Troisième mouvement d'Hector,
Il éteint la lumière et il s'endort.