Vous qui n'êtes pas nés pour être reconnus,
Qui n'êtes appréciés qu'une fois bien pendus,
Vous les peintres,
Combien donc êtes-vous à cueillir les lauriers,
Troupeaux de sang-le-soup qui souvent vous noyez
Dans l'absinthe ?
Aujourd'hui chevronné,
d'anciens crèves la fin,
Serait bien étonné s'ils revenaient demain,
Pauvres peintres,
Devoir pousser le million au champ de leur tableau,
Tandis que leurs illusions pourrissent dans un tombeau,
Sange à sainte,
Savais-tu,
monsieur Corot,
qu'à peindre ce tableau,
En suant Sankeo, tu peignais pour un sceau,
Si peu peintre,
qui au-dessus de son bureau,
Dans un coin de Chicago t'a pendu courret haut,
Pour te tourner le dos,
les mains jointes,
Cézanne,
tu ignorais que tes plus belles toiles,
Sur les mers vogueraient de Marseille au Bengale,
Par Corinth,
vendu par des malins,
Assurant leur trafic pour des sommes fantastiques,
Dont tu ne touches rien,
toi, le peintre,
Vous n'êtes mes corbeaux pour ces rues et
renards,
Que le temps d'une expo qui vient toujours
trop tard,
Pour le peintre,
faites votre choix, les
rapins,
la mouise ou les greffins,
Et vivez dans la brume votre gloire et posthume,
Comme les saintes,
qu'ils se nomment Manet,
Rembrandt ou bien Gauguin,
Qu'ils s'inspirent des forêts ou crèvent Tahitiens,
Tous les peintres font ce rêve
éternel,
Devenir immortels,
n'accordant aux vivants
Que des baisers en blanc,
sans étreinte,
Mais sur de grands murs nus ne seront point
pendus Ces modestes pastels qu'on reproduit fidèles,
Certains peintres,
ceux-là aimèrent mieux,
Au lieu de monter au cieux,
finir dans un
grenier Où l'âme peut flâner sans s'éteindre.