Les gestes que je fais,
Monsieur,
quand je *** quelque chose,
mais ce n'est pas exprès que je les amplifie.
Ils sont la relation de l'effet à la cause,
le simple trait d'union des mains jusqu'à l'esprit.
Ils sont le complément de toutes mes paroles.
Ils me sont naturels, ils viennent du dedans.
Et puis les mots,
Monsieur,
quelquefois ça s'envole,
mais un geste ça reste, voyons.
C'est évident.
Ils peuvent être rudes, ils savent être tendres.
Autant que de parler, ils expriment bien tout.
Alors regardez-moi,
Monsieur,
s'il vous plaît,
pour m'entendre,
comment je réussis de deux pierres un seul coup.
Qu'une phrase à mes lèvres arrive sans panache,
alors mon geste est là pour lui porter secours.
De haut en bas je tranche et cingle et je cravache,
ma phrase à vos oreilles prend un tout autre tour.
Ou bien,
si je m'emporte,
ce qu'entre parenthèses m'arrive très souvent,
débordant ma pensée,
mes gestes se font doux et vite vous apaisent,
de peur de vous peiner,
Monsieur,
ou de vous abaisser.
J'en fais trop, ***es-vous,
mais ce n'est pas ma faute.
J'ai grandi comme ça, des phrases dans
mes mains.
Moi, je n'ai pas besoin de parler à voix haute.
Aux gestes que je fais, on me comprend
très bien.
C'est quand ils sont muets
qu'on croit qu'ils se reposent,
quand ils ne ***ent
rien qu'il faudrait s'inquiéter.
Quand j'ai les bras ballants, Monsieur,
c'est que j'ai quelque
chose,
c'est que je suis au mal,
en pas bonne santé.
Mes gestes sont les mots que je ne peux
plus dire,
quand au bout d'une phrase ils sont tous essoufflés.
C'est comme ça, Monsieur,
que mon verbe respire.
Le geste à la rescousse, il reparte gonflé.
Donc, en parlant ainsi,
vous voyez tout de suite que mon parler est net.
S'il est abrupt parfois,
que ma main soit ouverte,
alors je vous invite,
mais refermé,
c'est que je ne vous aime pas.
Les gestes que je ***,
Monsieur,
lorsque je ***cussionne,
sont la subtilité de ma conversation.
Je pointe,
virgulise,
j'accent circonflexionne,
j'interjecte,
interroge et point de suspension.
Ils sont le fin
du fin de mon vocabulaire,
l'appui de mes adverbes et de mes locutions.
Gesticuler, Monsieur,
il faut
savoir le faire pour qu'on ***e de vous,
quelle élocution.
Même quand je suis seul, lorsque je
soliloque,
je fais encore des gestes pour que je pense mieux,
j'arron***,
j'élargis,
je projette
et j'estocke, je ne suis jamais seul.
Quand je suis seul, Monsieur.
Les gestes que je fais,
quand je *** quelque chose,
mais ce n'est pas exprès que je les
amplifie.
Ils partent malgré moi.
Il se peut qu'ils explosent.
Quand ils font comme ça,
Monsieur,
à vous, je le confie.
Oh, quel déchaînement, oh, quel apothéose.
Moi-même
m'en étonne et je m'en terrifie.
Mais n'ayez donc pas peur, Monsieur.
Voilà,
je les dépose.
Vous n'avez rien à dire ?
C'est vrai que j'ai tout ***.