Quand ceux qui vont, s'en vont aller,
Quand le dernier jour s'est levй
Dans la lumiиre blonde,
Quand ceux qui vont, s'en vont aller,
Pour toujours et а tout jamais
Sous la terre profonde,
Quand la lumiиre s'est voilйe,
Quand ceux que nous avons aimйs
Vont fermer leur paupiиres,
Si rien ne leur est йpargnй,
Oh, que du moins soit exaucйe
Leur derniиre priиre:
Qu'ils dorment, s'endorment
Tranquilles, tranquilles.
Qu'ils ne meurent pas au fusil,
En expirant dйjа la vie
Qu'а peine, ils allaient vivre,
Qu'ils ne gйmissent pas leurs cris,
Seuls, rejetйs ou incompris,
Eloignйs de leurs frиres,
Qu'ils ne meurent pas en troupeau
Ou bien poignardйs dans le dos
Ou qu'ils ne s'acheminent
En un long troupeau de la mort,
Sans ciel, sans arbre et sans dйcor,
Le feu а la poitrine.
Eux qui n'avaient rien demandй
Mais qui savaient s'йmerveiller
D'кtre venus sur terre,
Qu'on leur laisse choisir, au moins,
Le pays, fut-il lointain,
De leur heure derniиre.
Qu'ils aillent donc coucher leurs corps
Dessous les ciels pourpres et or
Au-delа des frontiиres
Ou qu'ils s'endorment, enlacйs,
Comme d'йternels fiancйs
Dans la blonde lumiиre.
Quand ceux qui vont s'en vont aller
Pour toujours et а tout jamais
Au jardin du silence
Sous leur froide maison de marbre
Dans les grandes allйes sans arbre,
Je pense а vous, ma mиre.
Qu'ils aient, pour dernier souvenir,
La chaleur de notre sourire
Comme йtreinte derniиre.
Peut-кtre qu'ils dormiront mieux
Si nous pouvons fermer leurs yeux.
Je pense а vous, ma mиre.
Qu'ils dorment, s'endorment
Tranquilles, tranquilles.