Pourquoi ça fait toujours ça ?
Des fois, quand on croise un visage,
une silhouette,
un regard,
on a un coup au cœur.
Mais
vraiment un truc qui transperce jusqu'au fond.
On serait prêt à tout quitter,
à partir au bout du monde,
à s'abandonner entièrement à un demi-sourire.
Qui voit-on ?
La possibilité d'un ailleurs,
toujours plus lumineux ?
Et d'un coup se
précipitent tous les espoirs,
tous les manques,
tous les fantasmes solidifiés au fond du
corps.
Pureté impure,
impureté pure.
À ce moment,
on voudrait se trouver une âme d'aventurier,
de héros.
On voudrait être intrépide, éloquent.
On voudrait que ces lèvres,
légèrement trouvertes,
soient une invitation,
un signe de bienvenue.
Que l'accueil soit total,
entier.
Que l'autre,
en un instant,
épouse tout ce que l'on est
et que tout soit facile.
Un passant,
une passante,
l'inconnu peut en un instant recueillir tout notre élan,
toute notre capacité de projection,
toute notre aspiration à l'absolu.
On lui prête toutes les tendresses et toutes les
audaces sensuelles,
tous les accords.
Bon Dieu,
comme ça nous emmène
et comme ça fait mal.
Et le reste de la journée ne sera que
le deuil de cette impulsion réprimée.
Le deuil du zoro qu'on
n'aura pas su être à cet instant.
Le deuil de ce sentiment de liberté.
Le deuil de ce vaisseau
au long cours dans lequel nous n'avons pas embarqué.
Trouvant soudain
de l'harmonie au
pavé triste du quai,
à la baraque à frites du port
et à nos chaudes pénates.
Contrairement aux apparences,
il n'est pas du tout impossible qu'un jour
on se laisse faire par l'onde.