Le vin est versé, toutes lumières éteintes,
et c'est la grande étreinte,
le corps à corps avec la nuit,
ah ces insomnies !
Tu parles d'une aventure,
tu parles de gamberger,
de quitter les sentiers,
de perdre la mesure.
Son esprit qui cavale au milieu de la nuit,
et son cœur qui bondit,
le temps qu'il faut
meubler,
de petites pensées,
de métaphores filées,
d'années en années en années.
Dehors,
les volets sont fermés,
les gens sont endormis,
ils se disent,
par-delà ces
taillis,
par-delà ces rivages,
peut-on se libérer ?
Renégocier les termes de la nécessité,
peut-on faire ce voyage ?
Mais il est trop tard pour ces envolées,
trop tard pour ces grands mots,
et son lyrisme échevelé tombe à l'eau.
Rien que des perles embourbées,
des bourbons bouchonnés,
des écheveaux enchevêtrés qu'il ne
peut démêler à cette heure avancée.
Et vous, vous qui avez les clés,
dites-lui où aller,
montrez-lui le chemin où qu'il s'endorme,
enfant.
Il a des vapeurs, il a des visions,
devant ses yeux battus,
une foule aux vieilles branches,
passe en jetant sur lui des regards assassins.
C'est foule des dimanches, foule de Vaurien,
et ils le tensent,
ils font les durs,
il en entend des vertes et des pas mûrs.
Mon gaillard,
mon vieux camarade blafard,
tu ne vas pas recommencer à faire tourner
dans ta tête enflée des idées noires,
tu ne vas pas à nouveau faire le compte des déboires,
des idéaux emberdes.
User à la source l'énergie du désespoir,
cet idiot,
cette énergie humaine va encore s'inventer des histoires,
et il va encore y croire.
Que valent ces menteurs,
les salopards,
les faux frères ?
Je les ferai danser sur un tout nouvel air.
Qu'on m'apporte un fleuret,
une souple rapière,
et je ferai tomber une tête ou bien deux.
Il a l'alcool mauvais et moyen âgeux.
Ah,
ce verre de vin dégusté si tard,
comme il t'a attisé,
qu'il t'a rendu bavard,
tes insomnies,
comme elles t'en ont fait voir
du pays.