Le gile, les bonnes.On n'en voit plus guère.Une espèce sucre qui disparaît très rapidement.Même les bretons, même les négresses.Forcément, chère Madame Durand,cette fille, on les a toutes pourries.C'est elle maintenant qui fout la loi.Pensez, la nôtre était nourrie.Et là, j'ai plus 30 francs par mois.Aussi, il ne faut pas qu'on s'étonne.On a tout fait pour les gâter.On était trop bons pour les bonnes.Vraiment, c'est à vous d'écouter.Moi qui suis fait pour être patronneet déployer de l'autorité,eh bien, quand je sonne,il ne vient personne.Il n'y a plus de bonnes.Quelle société !Pensez, chez moi, j'en ai eu 16.J'en faisais un petit coquet.Un lit, une table, une lampe de chaise.Ça donnait sur les cabinets.Évidemment, ça manquait de vue.On n'y voyait jamais le soleil.Mais la nuit sèche au superflu.Surtout avec un bon sommeil.Et quand le réveil carillonneau point du jour joyeusement,sachant que le soleil rayonnedevant tout l'appartement,l'on se lève et l'on se savonneavec plus de sel évidemment.Le soleil, lui, le gaz en rhum,mais il n'y a plus de bonnessombrement.Leur travail ? Ah, laissez-moi rire !Vider les pots, ranger les lits,faire la vaisselle, frotter et cuire,passer les cuivres aux trifoldis,trois fois par jour servir à table,faire chaque matin une pièce à fond,les courses, un travail agréable,repasser le linge de maison,trois fois à fond, avec sa gloutale,même qu'on se privait souvent ma foiqu'il reste du gigot bretonou la carcasse d'un poulet froid.Avec ça, on était trop bonnes.Un jour de liberté par moispour s'en aller faire les lurones.Ben, il n'y a plus de bonnes.Pourquoi ? Pourquoi ?On les menait en promenade,le dimanche on en prenait soin,alors si elles tombaient malades,jusqu'à guérir le médecin.Mais quand la moustache en bataille,nos mains lui laisseraient trop près,alors on surveillait leur taille.Ça ne ratait pas.Quelques mois après,on renvoyait la jeune personneen l'attendant sincèrement.C'était le donnat des patronnes.Nos marines pouvaient laisser avantêtre les pères des enfants de nos bonnes.C'est tout de même un gros soulagementde ne plus voir ces ventes qui ballonnent.Comme il n'y a plus de bonnes,il n'y a plus d'enfants.Ça devait finir dans la débaucheselon la loi du moindre effort.Tout ça, c'est la faute à la gauche,aux serviettes, à Blum et Consor.J'en ai reçu une cinquantainequi m'a *** d'un air insolent.Bonne à tout faire, moi je suis pas bonne.Elle est partie en m'engueulant.La morale, je vous l'abandonne.La base du régime bourgeois,son pied d'estale, c'était la bonne.Sans elle, tout s'écroule à la foire.L'office, le salon, la couronne,l'ordre, l'autorité,la loi.Il n'y a plus de bon Dieu,il n'y a plus personne.Quand il n'y a plus de bonnes,il n'y a plus de bourgeois.