C'était le commencement d'une histoire, au point zéro de notre monde, rien pour la
nostalgie, tout pour l'espoir, juste de l'avenir pour se répondre.
C'était la nuit des temps, la longue veille, avant le mal d'Adam, avant le cœur de l'Ève,
on venait d'annoncer que le soleil allait se lever sur la terre.
Pour rattraper ce moment sacré, ce spectacle d'aurore et d'origine, sur une montagne
ronde et usée, quatre yeux plongés dans le vide, juste là, immobile et silencieux,
une grand-mère sur une souche, avec un enfant dépeigné, anxieux, attendant que le ciel
accouche.
Dans leurs pupilles, en reflets flous, là où le bleu s'appelle l'infini, on distingua
l'entre chien et loup, du violacé et puis du bruit.
Des dizaines d'hommes apparurent, tous en crayons et en cravates, se placèrent debout
devant l'azur pour voir le paysage en face.
Voyez cette forêt vaste et grouillante, les arbres aciers à chauffer et à vendre,
le gibier qui court, les oiseaux qui chantent, à nous le bois, les fourrures et les viandes.
Tout ce temps-là, sur la souche, en arrière, en témoin secret dans la rosée, gardait
la pose, les yeux grands ouverts, la grand-mère et l'enfant muet.
L'horizon coula son spectre vers le rouge, encore des bruits, et cette fois-ci, des centaines
de personnes marchant en couple, des femmes, des hommes, avec leur appétit.
Voyez la vaste vallée à nos pieds, pour son sous-sol et pour ses fruits.
Plantons les clôtures et les pancartes privées, à nous la terre et ses profits.
Le prisme coula jusqu'à ce que l'orange brille, et dans le bruit des arrivants par milliers,
mères, pères et enfants des familles s'en scrupulent sur la propriété.
Voyez la rivière et sa source et sa fuite, pour la mise en bouteille, pour les poissons,
pour son potentiel énergétique.
Toute cette eau sera à notre nom.
Les familles élargies prirent le large, heureuses et se félicitant, en laissant derrière
elles le paysage, et sur la souche, les deux quêteurs patients.
Enfin, vient le jaune, et le jaune jusqu'alors, jusqu'à ce que la ligne n'en puisse plus
de retenir sa gestation d'aurore, et que l'horizon se déchire en deux.
Par l'ouverture, y vire s'élever, dans le ciel neuf, au grand réveil, l'assiette
de toute l'éclarté, la roue à aube, le soleil.
Il nous restera ça, la grand-mère se décidant à se placer debout devant le monde.
Regarde, mon enfant, c'est la lumière, et ça, ça appartiendra jamais à personne.
C'était le commencement d'une histoire, et à l'ordre du jour, devant les années
et lumières, éblouie et plus riche que tous les prospères, y avait l'enfant et sa grand-mère.