Sous des lambeaux de fumée grise dans le train véloce,
un voyageur grimace, immobile à sa place,
il avance, il avance.
Dans la nasse du train, le rêveur indécis
essaie de retrouver le fil de ses pensées éparses.
Dans le train véloce,
un voyageur limace se laisse porter vers l'ouest et suspend
la menace de l'ennui qui le rongeait jusqu'à l'os.
Dans le train véloce,
le voyageur traverse l'ouest entier,
de Rennes à Brest,
sous
le ciel de janvier.
La campagne inondée fit la grande vitesse,
sous ses yeux disparaît,
face à lui,
sa
voisine, assoupie à redon, se réveille, ahurée.
Tous deux se laissent porter sous le ciel noyé
dans la brume tenace montant du sol mouillé.
Tous deux sont emportés,
loin de Montparnasse,
d'où le train s'est lancé.
Tandis que la campagne fit la grande vitesse,
deux passagers somnoles,
et le train n'a de cesse de bercer leur fantaisie.
Doucement,
ils s'enlacent,
s'embrassent,
mais ne se rapprochent pas d'un pouce,
n'esquissent pas un geste.
Entre Vannes et Aurée,
entre Quimper et Brest,
que de tendresse imaginée sous le ciel de janvier.
Dans un train véloce qui berce des limaces
gentiment alignées en seconde classe,
que d'indolence et de paresse,
entre Vannes et Aurée,
entre Quimper et Brest.
Dans sa veste élimée,
le rêveur engoncé,
tête basse,
grimace,
laisse le temps passer,
et la pluie coule averse sur la vitre embuée.
Et le train file vers l'ouest,
de Rennes à Brest,
dépasse les chantiers,
dépasse la lande grise,
dépasse les monts d'arrêt.
Dans le jour qui s'amenuise,
le train file vers l'ouest,
jusqu'à la nuit tombée.
Le voyageur s'enfuit,
sans demander son reste.