Ah,
je les vois déjà
Me couvrant de baisers
Et s'arrachant mes mains
Et demandant tout bas
Est-ce que la mort s'en vient
Est-ce que la mort s'en va
Est-ce qu'il est encore chaud
Est-ce qu'il est déjà froid
Ils ouvrent mes armoires Ils tâtent mes faïences
Ils fouillent mes tiroirs Se régalant d'avance
De mes lettres d'amour Enrubanées par teux
Qu'ils liront près du feu En riant aux éclats
Ah, je les vois déjà Compassés et frileux
Suivant comme des artistes Mon costume de bois
Ils se poussent du cœur Pour être le plus triste
Ils se poussent du bras Pour être le premier
Ils ont amené des vieilles Qui ne me connaissaient plus
Ils ont amené des enfants Qui ne me connaissaient pas
Pensent au prix des fleurs Et trouvent indécent
De ne pas mourir au printemps Quand on aime le lilas
Ah, je les vois déjà Tous mes chers faux amis
Souriant sous le poids Du devoir accompli
Ah, je te vois déjà Trop triste, trop à l'aise
Protégeant sous le drap Tes larmes lyonnaises
Tu ne sais même pas Sortant de mon cimetière
Que tu entres en ton enfer Quand s'accroche à ton bras
Le bras de ton quelconque Le bras de ton dernier
Qui te fera pleurer Bien autrement que moi
Ah, je me vois déjà M'installant à jamais
Bien au triste,
bien au froid Dans mon champ d'eau soleil
Ah, je me vois déjà Je me vois tout au bout
De ce voyage-là D'où l'on revient de tout
Je vois déjà tout ça Et l'on a le brave culot
D'oser me demander De ne plus boire que de l'eau
De ne plus trousser les filles De mettre de l'argent de côté
D'aimer le filet de ma gros Et de crier « Vive le roi ! »