Pardon monsieur le métier si de nuit je dérange
Mais je voudrais bien sommeiller au fond de votre grange
Mon pauvre ami la grange est pleine du blé de la moisson
Donne-toi donc plutôt la peine d'entrer dans la maison
Mon bon monsieur je suis trop gueux,
quel gâchis boufferais-je ?
Je suis pieds nus,
sales et boueux et tout couvert de neige
Mon pauvre ami quitte bien vite tes hardes en lambeaux
Pouille-moi ce tricot de suite,
chausse-moi ces sabots
De temps marcher à l'abandon,
j'ai la gorge bien sèche
Mon bon monsieur baillez-moi donc un grand verre d'eau fraîche
L'eau ne vaut rien lorsque l'on tremble,
le cidre guère mieux
Mon bon ami trinquons ensemble,
goûte-moi ce vin vieux
Mon bon monsieur on ne m'a rien jeté le long des routes
Je voudrais avec votre chien partager deux trois croûtes
Si depuis ce matin tu rôdes, tu dois être affamé
Voici du pain,
des crêpes chaudes,
voici du lard fumé
Chassez du coin de votre feu ce rôdeur qui ne bouge
Êtes-vous blanc, êtes-vous bleu ?
Moi je suis plutôt rouge
Qu'importe,
c'est mon république,
commune ou royauté
Ne mêlons pas la politique avec la charité
Puis le méteil est sans dormi,
la minuit est en proche
Alors le vagabond sortit son couteau de sa poche
L'ouvrier le fit luire à la flamme,
puis se dressant soudain
Il planta sa terrible lame dans la miche de pain
Au matin,
jour le gueux s'enfuit sans vouloir rien entendre
Oubliant son couteau pointu au milieu du pain tendre
Vous dormirez en paix,
oh riche,
vous êtes vos capitaux
Tant que les gueux auront des miches,
vous plantez leur couteau
Vous dormirez en paix,
oh riche,
vous êtes vos capitaux
Tant que les gueux auront des miches,
vous plantez leur couteau