L
'autre soir,
le voisin d'en face ouvre grand sa sale gueule
et crache trois chicots sur le parquet,
il me sonde.
Tardivement, il s'étreint sur le grand canapé.
« Bonne nuit,
mon garçon,
tu as bien travaillé,
petit monstre.
Vas-y que je t'y reprenne.
»
Dans les vastes orbites,
ses yeux brillants de fouine
scrutent sur le miroir le pathétique reflet.
Il s'aperçoit enfin,
il sourit au vieux singe,
il salue le blafard.
Il bave un peu.
Seul devant la glace, il blasphème.
Il *** « J'ai renversé la société.
» Il *** « J'ai fait peur à la vieille.
Je n'ai pas des mérités.
Je n'ai rien lâché.
Après de folles randonnées qui ne menèrent nulle part,
après bien des escapades,
me
voici,
roi affénéant,
seigneur de ma clique infernale.
Fini les grimaces,
fini les faux serments,
fini les promesses.
Il est temps.
Il est temps.
Notre débris est un poète.
Renfle cerveau, molle matière, matière molle.
Mais n'agite mon cœur,
ne t'irrite pas pour rien.
L'hiver, il fait chaud dans sa tête.
L'hiver, on y brûle, l'été, on y fond.
Pas de matin sans canicule,
pas de soir sans brasier.
D'autres somnolent, vagabondent en liberté.
Le cœur ne dort jamais.
C'est encore loin le jour.
Que d'odieux engrenages,
que de lunes invariées,
laissent passer les frissons sur son maigre
corps, sur ses maigres bras.
Creuse,
creuse,
maigre animal,
creuse tes joues,
remplis l'artère
de drogue lente.
Autorisez,
flétris toutes surfaces visibles.
Laisse le temps s'inviter.
Dispersez la chair périssable et l'âme invisible.
Il se lève au prix d'un effort incroyable.
Il titube et trouve enfin l'équilibre.
Le corps accepte, se plie aux frasques intimes.
Le corps rigole et fait le pentin comme il peut.
Pas facile avec l'alcool qui noie ses veines,
avec l'orage qui gronde,
qui tonne.
sur ses tempes.
On
aurait beau jeu de dénoncer sa déchéance.
On aurait beau jeu de raconter l'histoire
édifiante pour faire peur aux enfants.
Plus sages que des images.
Il rêve d'altération,
de dispersion,
d'éparpillement,
d'esquive,
d'échappatoire,
de porte dérobée,
de coups de théâtre, de vol de nuit,
de révolution,
de révolution.
Puis il s'endort.