Un soir d'été au cimetière
Où le ciel était rouge et brun
Je l'ai vu faisant sa prière
Pour son pauvre mari défunt
Tout près de là je nous atterre
Sur mon épouse tant aimée Je versais des larmes sincères
Imitant la veuve éplorée Elle m'a paru un peu sauvage
Mais de gracieuse façon Comme ces oiseaux de passage
Qui ne voient rien que l'horizon Larmes taries prunelles sèches
Un ange vint nous annoncer Que par une maligne flèche
Nos cœurs venaient d'être percés Elle se jeta sur ma poitrine
Me serrant si fort dans ses bras
Que son corps sage en soie de chine
S'ouvrit en bouquet de lilas Elle avait des seins de gitanes
Et une bouche au dessin pur Et sous la feuillée d'un platane
Ses doigts défirent ma ceinture Elle ôta mes habits de toile
Et sur ma poitrine ardemment Ses dents tracèrent des étoiles
Aux rouges couleurs des piments Elle ménagea la tendre veuve
Ni ses baisers ni ses soupirs
J'étreignis tant cet amour neuf
Que l'on s'aima à en mourir Je défie n'importe quel homme
D'oublier les mots qu'elle disait Et je n'ai point connu de femme
Qui fit si bien ce qu'elle faisait
Je n'ai jamais revu cet ange
A la sève de Torillon
Qui fut pour moi le doux mélange De Carmène et de Cendrillon
Mais de cette belle étrangère Disant des mots d'amour gitant
Dans ce rustique cimetière
Je me souviens le cœur battant
Qu'à l'heure où le soleil pardonne À la lune d'être venue
J'ai tenu la grâce en personne
Qui partit comme elle est venue