Mes chers parents,
je pars,
Je vous aime, mais je pars,
Vous n'aurez plus d'enfants ce soir,
Je ne m'enfuis pas, je vole,
Comprenez bien, je vole,
Sans fumée, sans alcool,
Je vole,
je vole,
C'est jeudi,
il est 5h05,
J'ai bouclé une petite valise,
Et je traverse doucement l'appartement endormi,
J'ouvre la porte d'entrée en retenant mon
souffle,
Et je marche sur la pointe des pieds,
Comme les soirs où je rentrais après minuit,
Pour ne pas qu'il se réveille.
Hier soir à table,
j'ai bien cru que ma mère se doutait de quelque chose,
Elle m'a demandé si j'étais malade et pourquoi j'étais si pâle,
J'ai *** que j'étais très bien,
tout à fait clair,
Je pense qu'elle a fait semblant de me croire et mon père a souri.
En
passant à côté de sa voiture,
j'ai ressenti comme un drôle de coup,
je pensais que ce
serait plus dur et plus grisant,
un peu comme une aventure,
en moins déchirant,
oh, surtout
ne pas se retourner,
s'éloigner un peu plus,
il y a la gare,
et après la gare,
il y a
l'Atlantique,
et après l'Atlantique.
C'est bizarre cette espèce de cage qui me bloque la poitrine,
ça m'empêche presque de respirer,
Je me demande si tout à l'heure mes parents
se douteront que je suis en train de pleurer,
oh,
surtout ne pas se retourner,
ni des yeux,
ni de la tête,
ne pas regarder derrière,
seulement voir ce que je me suis promis et pourquoi,
et où,
et comment.
Il est sept heures moins cinq,
je me suis rendormi dans ce train qui s'éloigne un peu plus,
oh,
surtout ne plus se retourner,
jamais.
Mes chers parents,
je pars,
je vous aime et je pars,
vous n'aurez plus d'enfants
ce soir,
je ne m'enfuie pas, je vole,
comprenez bien, je vole,
sans fumée, sans alcool,
je vole,
je vole.
Je n'enfuis pas, je vole,
comprenez bien, je vole.