Il n'est rien de plus effroyable
Qu'une feuille blanche sur la table
Quand votre stylo a le bec
Qui demeure obstinément sec
Elle est comme une salle de première
Elle vous défie à sa manière
Elle semble dire « allons tu es là » Eh bien vas-y,
étonne-moi
Feuille blanche,
mon tyran Mon amour si désespérant
Feuille blanche,
mon néant Qu'il est dur d'être ton amant
En surgardant,
chien de faïence Tu voudrais savoir ce que je pense
Je ne sais par quels mots distinguer Conquérir ta virginité
J'ai si fort envie de te séduire Par quelques vers qui te chavire
Et je pense en chialant comme un veau Quel salaud ce Victor Hugo
Feuille blanche,
mon tyran Mon amour si désespérant
Feuille blanche,
mon néant
Qu'il est dur d'être ton amant
Semblable aux poignards qui menacent À la voie lactée dans l'espace
À une vierge effarouchée Je ne sais comment t'approcher
Bien qu'immaculée rétive Tu serais pas fâchée que je t'écrive
Un refrain en petites pattes de mouche
Qui s'envolerait sur toutes les bouches
Feuille blanche,
mon tyran Mon amour si désespérant
Feuille blanche,
mon néant Qu'il est dur d'être ton amant
Tu as tant exigeante maîtresse
Que ma plume ne te caresse
Qu'avec ces mots précis et droits
Qui échappent aux auteurs maladroits
Quand je suis lâchée par ma muse Je sens que mon angoisse t'amuse
Me relisant, je t'entends glousser
Tu n'as plus qu'à recommencer
Feuille blanche,
mon tyran Mon amour si désespérant
Feuille blanche,
mon néant
Qu'il est dur d'être ton amant