Martin, je t'aime.
On a porté nos cartables,
nos cahiers,
nos équimaux
On a porté bulles importables,
jeans déchirés et cheveux roses
On a porté poids bien trop lourd sur nos frêles épaules
On a porté la honte dans la cour et des surnoms pas très drôles
On a porté nos frères quand ils ne marchaient pas droit
On a porté nos pères alors qu'ils ne nous voyaient pas
On a porté nos mères,
leurs blessures, leurs combats
On a porté amers sans résultat nos sœurs au commissariat
On a porté le silence,
tout ce que vous ne nous avez pas ***
Vous n'apportez votre indifférence lorsque nos aînés sont partis
On a porté dans nos mains ce poids mort qui nous sert de gueule
Mais on ne porte rien,
aussi bien que le deuil
On a porté vos regards,
vos mots et vos doigts tendus
On a porté idées noires,
tête baissée,
lèvres fendues
On a porté peur aux poignets d'être percés au grand jour
On a porté ces crachats qu'on nous disait être de l'amour
On a porté des mémoires que nos mains ont dû construire
On a porté des espoirs qui ne cessent de se tarir On a porté le soir,
plus que j'ai
n'ai le droit de le dire On a porté du noir pour rendre sa monnaie
à l'empire On a porté le mépris et c'était pas un film
de Godard On a porté la gothie qui nous écrasait la
mâchoire On a porté les teints et le bois dont on
fait les cercueils Mais on ne porte rien,
aussi bien que le deuil
Bien trop de grands frères sont morts combattant
le Sida Sur bien trop d'humains sur cette
terre le poids des chaînes se porta Et
combien de nos mères ont souffert par habitude
On est sérieux,
on est des terres,
quand on vous *** pas une de plus
Plus jamais de gamin qui se pend tout seul dans sa chambre
Combien du rire de nos soeurs trans nous a-t-on privés d'entendre
L'escalier,
du perlachais,
c'est le seul qu'on déteste descendre
Il serait temps qu'on parle de nous
autrement que sous forme de cendres
Tu me manques
Tu étais tellement forte
Tu es tellement morte
Que c'est le deuil qui
m'apporte