Courage,
petit navire,
tu as tombé le mât le jour de tes vingt ans
Pour ne pas déceler,
je comprends,
je comprends le doux attrait du vide
Et tu tangues depuis sur les pentes
liquides Les embruns qui t'enrument,
les mouvements furieux
Tu traînes sur le pont,
plus ou moins nauséeux Toi qui ne sais ni l'heure,
ni le mois,
ni l'année
L'eau, le sel, l'océan, tu en as trop soupé
À les
jours ont passé,
ah le marin s'ennuie toujours,
la bile aux lèvres
Ça remue tant ici,
il est trop d'imprévus Ne crois plus au hasard qui te navre et te
pousse Sans ménager d'honneur,
reprend la direction
Suis la brise du soir,
casse sur les noirs de sif
Du triste finistère et oublie les naufrages
De tant d'autres gréments qui remirent voilure
Hélas,
à contre-temps
Tu savais bien le péril,
écoutez le vieux sage Le désastre est au bout,
demain pitte voyage Tu pourrais cuire au large,
par un jour d'accalmie Où couler lourdement,
sous les cieux enfuris
C'est le destin banal des narcisses transis
Que tu veux éviter en rejoignant les terres
En retrouvant les hommes,
les femmes et les soucis De la piétaille sourde qui va casser
ses affaires
Ah mes amis,
la côte,
c'est ma dernière nage Au pied des grands rochers,
bois la tasse
Mon garçon,
racle le sol poudreux De la petite plage,
crache l'écume épaisse
Qui remplit tes poumons,
il y a des marmots Sur le sable doré,
regarde les s'enfuir
Quand tu veux leur parler,
comment ne pas comprendre
Le dégoût des enfants,
toi qui pues le poisson
D'un trajet décadent
Revenez mes amis,
ne fuyez pas mes frères Longtemps j'ai dérivé,
au fil de l'eau de mer
Au fil des algues noires,
mais je vais me laver Prendre soin de mon corps,
dans les supermarchés
Et j'y ferai bientôt,
les courses les plus folles Et mon maigre pécule,
nous fondra tout entier
Puis je repartirai,
prêcher bonnes paroles De l'ancien capitaine,
dont la coquille est raie
Qui
se laissait porter,
mais qui revint à l'heure Pour mendier sous vos porches,
et brailler son bonheur
D'être enfin parmi vous,
dans la rue à sa place Sans argent,
sans abri,
de moins en moins locasse
Vivant d'autres tempêtes,
dans les flaques de boue Tout près des urinoirs,
sur les plaques d'égout
Où il fait bon dormir, où il fait bon cuver
Adieu petit navire, adieu vieux chalutier