À la grand-messe des familles,
il vaut mieux être un initié,
faire partie de la clique
des rescapés du cours des choses.
Les enfants aux mauvaises mines,
visages ravagés par l'acné juvénile,
les petits rimbauds
à la manche.
On connaît, on connaît, gamin,
on sait ton vague idéale, ta révolte hormonale.
Fais pas le fier,
fais pas le marginal,
fais pas le virginal adolescent.
N'espère pas l'étincelle,
brûle pas les pistes,
ça sert à rien.
Ici on reste,
y'a pas d'envie qui tienne,
tu peux causer,
tu te feras pas la belle.
C'est les mots lancés comme ça,
ils partent à l'aventure,
mais toi tu ne bouges pas,
y'a pas d'échappatoire,
il faut nous croire.
Ah,
les intransigeants,
les intraitables,
les rusés petits solennels,
au bal des tristes
ritournelles, les sordides matrones,
les vieux déçus ne sont jamais pris au dépourvu.
Ils ne restent jamais à la traîne quand il
s'agit de distiller les poisons salutaires
pour dessaler l'enfance,
pour calmer les ardeurs,
d'instruire les innocences.
On l'écrira à ton épilogue,
le monde est déjà fait,
c'est du solide,
c'est du
concret,
y'a pas d'esquive,
y'a pas d'alternative.
Après la ville,
après la périphérie,
après la race campagne,
il n'y a rien,
rien que
vide est la nuit,
y'a pas de jeu, pas d'espace, pas d'espoir,
il faut nous croire.
Ils avaient tendu les filets,
ils avaient posé tous les pièges,
mais l'héritier n'a pas bronché,
le maumé parti s'enfermer dans sa chambre,
qu'est-ce qu'il mijote encore ?
Ils y ont peut-être été un peu forts,
tant pis, c'était pour lui.
Revenus en petits comités,
l'alcool aidant,
gorgés de tous leurs beaux discours,
voilà
qu'ils se mettent à leur tour à quitter la terre ferme,
à divaguer sur leur sort.
Les grands enfants se rappellent les vertes années,
leurs vivants souvenirs,
des vrais
héros qu'on était,
des vrais de vrai,
sales gosses en expédition avec nos belles espérances,
partis détrôner l'ascendance,
les grandioses paysages,
les voyages,
tout le bazar,
on y rêvait dans le noir,
il faut nous croire,
on disait,
sur le prochain versant nous verrons bien des choses,
en haut de la falaise, enfin, on comprendra,
on sera
plus jamais les mêmes, foutez-vous,
va aller mieux qu'on se taise,
faudrait mieux
doucement cuivrer,
on n'est pas toujours très à l'aise avec notre passé,
y'a des
mots qui nous dépassent,
on se trouve un peu étriqués,
un peu lâches,
si on était
plus physiques, moins affaissés,
moins billeux et plus athlètes,
on se gonflerait pas autant
avec des phrases
et on irait au combat,
plus vaillants,
cracher le mauvais sang,
cracher
les toxines,
délester la machine,
endosser enfin les premiers rôles,
faut être honnête,
on en bave tous,
faut plus mentir,
on veut l'apothéose,
on veut pas s'en tirer,
on veut pas s'effacer,
comme ça, sans y penser,
et on l'aura notre ivresse, on l'aura notre
amour,
on l'aura sur le tas,
il faut nous croire.